jeudi 10 décembre 2020

vendredi 23 novembre 2018

LE LOUP ET L'AGNEAU

LE LOUP ET L'AGNEAU

La raison du plus fort est toujours la meilleure :
            Nous l'allons montrer tout à l'heure.
            Un Agneau se désaltérait
            Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure,
       Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
            Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
Sire, répond l'Agneau, que Votre Majesté
            Ne se mette pas en colère ;
            Mais plutôt qu'elle considère
            Que je me vas désaltérant
                         Dans le courant,
            Plus de vingt pas au-dessous d'Elle ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
            Je ne puis troubler sa boisson.
Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?
       Reprit l'Agneau ; je tette encor ma mère
            Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
       Je n'en ai point. C'est donc quelqu'un des tiens:
            Car vous ne m'épargnez guère,
            Vous, vos Bergers et vos Chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge."
           Là-dessus, au fond des forêts
            Le loup l'emporte et puis le mange,
            Sans autre forme de procès.

Jean de La Fontaine (1621 - 1695)


lundi 19 mai 2014

Pour ma mère de Maurice Carême (fête des mères CP)



Pour ma mère

Il y a plus de fleurs
Pour ma mère en mon coeur,
Que dans tous les vergers,

Plus de merles rieurs
Pour ma mère en mon coeur, 
Que dans le monde entier,

Et bien plus de baisers
Pour ma mère en mon coeur, 
Qu'on en pourrait donner


Maurice Carême


mercredi 2 octobre 2013

UN MOULIN LENT


Un moulin lent

n’avait pas de vent

le meunier disait

si j’invente le vent

mon moulin lent

gagne du mouvement

   Maria Alberta Menéres
Lisbonne 1971
Traduit par
Rosario Duarte da Costa

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Um moinho lento

Um moinho lento

não tinha vento

E o moleiro dizia

se eu invento o vento

o meu moinho lento

ganha movimento

   Maria Alberta Menéres
In Conversa com versos
Lisboa 1971

jeudi 14 février 2013

NUIT de NEIGE (Maupassant)

Nuit de neige

La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.

Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.

La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.

Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;
Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.

Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.

Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur oeil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas.

Maupassant
La pie de Monet (Musée d'Orsay)

mardi 1 janvier 2013

Mère et enfant

Mère et enfant
 
« Je possède, dit la mère,
Deux bluets d'un bleu si doux
Que ceux des champs sont jaloux.
Qui devine le mystère ?…»
— L'enfant dit en riant : « Oh ! moi, je m'y connais :
Mes deux yeux sont les deux bluets. »

« J'ai toujours, fraîche et vermeille,
Une fleur qui sait parler,
Et sourire et m'appeler ;
C'est bien une autre merveille. »
— L'enfant dit en touchant ses lèvres : « M'y voici !
Ta fleur sait l'embrasser aussi.»

« J'ai, sans qu'on y prenne garde,
Un collier qui n'est pas d'or,
Mais plus précieux encor ;
Mon cou nuit et jour le garde. »
— « Ton collier, dit l'enfant, je ne m'y trompe pas,
Est fait de mes deux petits bras.»

« Je possède une autre chose
Sans laquelle je mourrais,
Quand même je garderais
Collier, bluets, fleur qui cause.… »
— L'enfant dit, tout ému d'amour et de bonheur :
« Cette fois, mère, c'est mon coeur. »

Sophie Huë
Les Maternelles

mercredi 21 novembre 2012

MON VILLAGE

Mon village

mon village, à travers
Les prés verts
Grimpent tes logis en pente;
Un ruisseau bordé d'aubiers,
A tes pieds,
Court dans la sauge et la menthe.

Sous tes auvents de bois brun,
Le parfum
Du vieux temps se garde encore;
On y parle le patois
D'autrefois,
Rude, chantant et sonore.

Sur ta grand'place un tilleul
Verdit seul;
Son ombre abrite l'école
Où sur un rythme traînant,
Bourdonnant,
La voix des enfants s'envole.

Puis la rue en serpentant
Va montant
Vers l'église, qui s'élance
Avec ses clochers moussus,
Au-dessus
Des boulingrins où l'on danse.

L'angélus, trois fois le jour,
A l'entour
Egrène sa sonnerie.
C'est là, depuis des matins
Très lointains,
Qu'on baptise et qu'on marie;

Et c'est là qu'on meurt...
Pressés Et tassés,
Là, nos fils sous l'herbe haute,
Auprès des crânes sans yeux
Des aïeux,
Viendront dormir côte à côte.


Claude-Adhémar-André Theuriet, 

né à Marly-le-Roi le 8 octobre 1833 et mort à Bourg-la-Reine le 23 avril 1907, est un poète, romancier et auteur dramatique français.

LE TILLEUL

LE TILLEUL

Au seuil du vieux domaine
S'élève un grand tilleul,
Tout près de la fontaine
Où penche le glaïeul.
Jadis, sous son ombrage,
Des songes m'ont bercé ;
Au souffle de l'orage
Mon rêve s'est effacé ;
Bonheur trop tôt passé.

J'ai dû, sans que personne
Me suive d'un regard,
Partir un soir d'automne,
Dans l'ombre et le hasard.
Jouet du sort rebelle,
La nuit j'entends ces mots
C'est l'arbre qui m'appelle
"Ami, pour guérir tes maux,
Reviens sous mes rameaux."

R DAILHAC

FABLES DE FÉNELON

Ici >>>

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LES MATELOTS

LES MATELOTS

Sur l’eau bleue et profonde

Nous allons voyageant,
Environnant le monde
D’un sillage d’argent,
Des îles de la Sonde,
De l’Inde au ciel brûlé,
Jusqu’au pôle gelé...

Les petites étoiles

Montrent de leur doigt d’or
De quel côté les voiles
Doivent prendre l’essor ;
Sur nos ailes de toiles,
Comme de blancs oiseaux,
Nous effleurons les eaux.

Nous pensons à la terre

Que nous fuyons toujours,
À notre vieille mère,
À nos jeunes amours ;
Mais la vague légère
Avec son doux refrain
Endort notre chagrin.

Théophile GAUTIER (1841)

PETITE MÈRE !

PETITE MÈRE !

La nuit lorsque je sommeille,
Qui vient se pencher sur moi ?
Qui sourit quand je m'éveille ?
Petite mère c'est toi.

Qui gronde d'une voix tendre,
Si tendre que l'on me voit
Repentant rien qu'à l'entendre ?
Petite mère c'est toi !

Qui pour nous est douce et bonne ?
Aux pauvres ayant faim et froid
Qui m'apprend comment on donne ?
Petite mère c'est toi !

Quand viendra la vieillese,
À mon tour veillant sur toi,
Qui te rendra ta tendresse ?
Petite mère c'est toi !

Sophie HUE

LES AMIS D'ENFANCE

LES AMIS D'ENFANCE

Enfants de la même colline,
Abreuvés du même ruisseau,
Comme deux nids sous l'aubépine,
Près du mienDieu mit ton berceau

De nos toits voisins les fumées,
Se perdaient dans le même ciel,
Et de tes herbes parfumées
Nos abeilles volaient le miel.

Souvent je vis ta douce mère,
De mes prés foulant le chemin,
Te mener, comme un jeune frère
À moi, tout petit, par la main. 

Victor HUGO

samedi 31 décembre 2011

À la promenade

A la promenade

Le ciel si pâle et les arbres si grêles
Semblent sourire à nos costumes clairs
Qui vont flottant légers avec des airs
De nonchalance et des mouvements d'ailes.

Et le vent doux ride l'humble bassin,
Et la lueur du soleil qu'atténue
L'ombre des bas tilleuls de l'avenue
Nous parvient bleue et mourante à dessein.

Paul VERLAINE   (1844-1896)

dimanche 18 décembre 2011

Le corbeau et le Renard (Jean de la Fontaine) 

 

LE CORBEAU ET LE RENARD.

Maître corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage:
"Eh bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois."
A ces mots, le corbeau ne se sent pas de joie;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec et laisse tomber sa proie.
Le renard s'en saisit, et dit: "Mon bon monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute."
Le corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

Jean de La Fontaine (1621-1695)

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L’Agrôle et le Rena

En 1850, le bétchio parlève inquère ; v’la c’quo disève :
Un jou d’hivia, quou ne fasève pas trop biau,
L’agrôle ère juchade au bout d’un baliviau
L’ère su daut moutade,
Pa fère son dinâ que l’aye prépara.
Embéi un groua fromage vainhiu de Chambéra
Le rena dépeu treis jous que n’aye pas de pain,
Aussitôt s’appeurché en fasant le câlin.
Eh, bonjou note dame, coumant vous pourtez-vous ?
Hela ! qué sé contint de vous véire chia n’zote !
Et vous trouve si gente embé quo nail mantiau !
Présoune dé le boux n’en pourte un aussi biau !
Votés souliés sont faits d’iune piau qué tant fine,
Et creyes que le ré n’en a pas de parés pindus à sa souline.
Ar sé é vous écouti dire iune chansou
Et cregus, oui ma foué, quou ére le rossignou
Si zère chabretère, par avi voté jeu
E’ doniau, é n’en jure, la méta de ma queue.
L’agrôle qu’ère enchantade de se veire vantade
Pa li douna l’aubade se meté à couana,
Son froumage dévalé dé la gueule do renâ,
Alle resté su-daut le bé bada.
Ma l’autre, li dissé, en migeant son fricot,
Ne si’a don pas si buse un autre co.

1932? Parody of La Fontaine's FC by l'Abbé Forichon with a black-and-white illustration of FC. Néris-les-Bains, France: Edit. Picandet. 50 Francs

Épitaphe

Qu'il joigne encor nos mains et rapproche nos fronts
Quand au fond du tombeau comme sur ces bruyères
Côte à côte étendus nous nous endormirons
Au chant des cloches mortuaires
Et puissent dans le ciel nos âmes voyager
Comme les sons jumeaux de ces cloches paisibles
Qui s'en vont deux à deux avec le vent léger
Vers les étoiles invisibles

Claude-Adhémar André THEURIET


lundi 21 novembre 2011

Arbre, mon Ami

Arbre, mon Ami

Petite graine qui grandit quand vient la pluie,
Petite graine qui, au soleil, s’épanouit,
Tu résistes fermement quand souffle le vent
Pour orner nos forêts ou nos rues fièrement.
Dès que revient le printemps, sitôt, tu bourgeonnes
Pendant l’été, de fleurs ou de fruits, tu foisonnes.
Tu te colores en jaune et rouge à l’automne
Et tes branches faiblissent lorsque l’hiver sonne.

Devant mon école, tu manques cruellement
Mais, aujourd’hui, tu viens pour rattraper le temps :
Désormais, j’aurai un arbre pour m’abriter,
De vertes feuilles pour écrire mes secrets.

Leurs chants mélodieux, les oiseaux vont siffler
Quand, dans la cour, ils nous verront nous égayer.
Sur toi, de jolis chatons vont pouvoir grimper
Pour fuir les crocs acérés de chiens affamés

Arbre, mon ami, vraiment, je te remercie,
Tu n’es pas uniquement généalogie.
Coule, sous ton écorce, une sève de vie,
Un doux parfum qui, chaque jour, nous embellit.



A. de. L.

Vive la Rentrée !


Vive la Rentrée !


Ils semblaient heureux, ce matin,
Un nouveau jour commençait.
Soudain, dans leurs yeux, du chagrin,
De la tristesse et des regrets.


S'ils allaient trouver des amis,
S'ils s'étaient longtemps préparés,
Si le soleil brillait aussi,
Les vacances, elles, s'achevaient.


Joie et bonheur ainsi s'effacent :
Un tableau noir qui rompt le charme.
Et, plus tard, au seuil de leur classe,
Un flot se déverse : leurs larmes.


Qu'ai-je fait pour avoir si mal ?
Mes enfants ne sont plus heureux ;
J'ai brisé leurs vies, c'est fatal.
Il pleut jour et nuit dans leurs yeux.


Les matins, les après-midi,
Je porte en moi tous leurs malheurs.
Du lundi jusqu'au vendredi,
Ils rentrent de l'école en pleurs.


Ah ! Ce satané Charlemagne !
Cette école qu'il a créée,
C'est, pour mes chers petits, un bagne
Et ce lourd cartable, un boulet.


Dur pour eux d'aimer leur maîtresse
Quand s'en va leur mère adorée.
Peut-on seuls et dans la détresse
S'écrier : Vive la rentrée ?


A. de. L.

La Poule et le Cochon



La Poule et le Cochon



Une jolie tranche de jambon
Rose de chair et blanche de lard
Découpé finement d’un cochon
Parti tristement à l’abattoir.

D’une fière poule, éclot enfin,
Prêt à crâner sur son coquetier,
Blanc albumine et jaune poussin,
Un œuf amoureusement couvé.

Bacon and eggs1 ou poule et cochon,
Dès le départ, unis à la ferme,
Unis dans la poêle mais le cochon,
De sa vie en rose, a vu le terme.

Passif ou actif dans ce repas,
Cochon ou poule ont choisi leur camp ;
Chez l’homme, ce combat délicat
Se mène aussi à tous les instants.

Tantôt porc, s’il se laisse bercer,
Il risque de voir ses jours détruits,
Tantôt coq, s’il essaie de lutter,
Sa patience portera du fruit.

Mieux vaut prendre son destin en main
Au grand dam d’y perdre des plumes.
Le cochon, lui, voudrait, c’est certain
Ne point finir… cerné de légumes.



A. de. L.



1 : Bacon and eggs : œufs au jambon, plat frit à la poêle que les anglais mangent au petit-déjeuner.

mercredi 16 mars 2011

LA CHÈVRE DE MONSIEUR SEGUIN (Alphonse DAUDET)

LA CHÈVRE DE MONSIEUR SEGUIN

Ah ! qu'elle était jolie, la petite chèvre de M. Séguin ! qu'elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui faisaient une houppelande ! et puis, docile, caressante, se laissant traire sans bouger, sans mettre son pied dans l'écuelle. Un amour de petite chèvre...

Alphonse DAUDET 




LA CHÈVRE DE M. SEGUIN (suite)
Quand Blanquette arriva dans la montagne, ce fut un ravissement général. Jamais les vieux sapins n'avaient rien vu d'aussi joli. On la reçut comme une petite reine. Les châtaigniers se baissaient jusqu'à terre pour la caresser du bout de leurs branches. Les genêts d'or s'ouvraient sur son passage, et sentaient bon tant qu'ils pouvaient. Toute la montagne lui fit fête.


Alphonse DAUDET

lundi 21 février 2011

COLCHIQUES DANS LES PRÉS


Colchiques dans les prés fleurissent, fleurissent,

Colchiques dans les prés : c'est la fin de l'été.



Refrain :
 La feuille d'automne, emportée par le vent,

En ronde monotone tombe en tourbillonnant.



Châtaignes dans les bois se fendent, se fendent,
Châtaignes dans les bois se fendent sous les pas.




Refrain :
 La feuille d'automne, emportée par le vent,

En ronde monotone tombe en tourbillonnant.



Nuages dans le ciel s'étirent, s'étirent,

Nuages dans le ciel s'étirent commme une aile.



Refrain :
 La feuille d'automne, emportée par le vent,

En ronde monotone tombe en tourbillonnant.



Et ce chant dans mon coeur murmure, murmure,
Et ce chant dans mon coeur appelle le bonheur.



Refrain :
 La feuille d'automne, emportée par le vent,

En ronde monotone tombe en tourbillonnant.



Jacqueline Debatte pour les paroles et Francine Cockenpot pour la mélodie.
 
Musique sur YouTube 

lundi 1 novembre 2010

JE SUIS GRAND(E) ! (Caumont)

JE SUIS GRAND(E) !

L'an passé, cela va sans dire,
j'étais petit(e), mais à présent
que je sais compter, lire et écrire,
C'est bien certain que je suis grand(e).

Quand, sur les genoux de ma mère,
On me voyait souvent assis(e),
J'étais petit(e), la chose est claire :
J'avais cinq ans, et j'en ai six !

CAUMONT

samedi 30 octobre 2010

L'AUTOMNE (Victor Hugo)

L'AUTOMNE

L'aube est moins claire, l'air moins chaud, le ciel moins pur,
Les longs jours sont passés, les mois charmants finissent.
Hélas ! voici déjà les arbres qui jaunissent !
L'automne est triste avec sa bise et son brouillard,
Et l'été qui s'enfuit est un ami qui part.

Victor HUGO

vendredi 29 octobre 2010

CARRÉ (Archimède)

 ARCHIMEDE par Domenico Fetti (1620) Musée de Dresde (Allemagne)

CARRÉ

Quatre petits bras serrés
Sur un grand vide tout esseulé.

Je suis fin, je suis pur,
Je suis la plus belle des figures.

Ne cherchez pas à m'aimer,
C'est inutile, je suis carré.

Archimède (287 - 212 av. JC)



jeudi 28 octobre 2010

J'ai mis quatre saisons

J'ai mis quatre saisons
A leur points cardinaux
L'hiver au nord
L'été au sud
Printemps à l'est
A l'ouest l'automne.

Ma cinquième saison
S'appelle le bonheur

LISKA


jeudi 24 décembre 2009

La Mère, l'Enfant et les sarigues,

A Madame de la Friche

Vous de qui les attraits, la modeste douceur,
Savent tout obtenir et n'osent rien prétendre,
Vous que l'on ne peut voir sans devenir plus tendre,
Et qu'on ne peut aimer sans devenir meilleur,
Je vous respecte trop pour parler de vos charmes,
De vos talents, de votre esprit...
Vous aviez déjà peur : bannissez vos alarmes,
C'est de vos vertus qu'il s'agit.
Je veux peindre en mes vers des mères le modèle,
La sarigue, animal peu connu parmi nous,
Mais dont les soins touchants et doux,
Dont la tendresse maternelle,
Seront de quelque prix pour vous.
Le fond du conte est véritable;
Buffon m'en est garant : qui pourrait en douter ?
D'ailleurs tout dans ce genre a droit d'être croyable,
Lorsque c'est devant vous qu'on peut le raconter.

Maman, disait un jour à la plus tendre mère
Un enfant péruvien sur ses genoux assis,
Quel est cet animal qui, dans cette bruyère,
Se promène avec ses petits ?
Il ressemble au renard. Mon fils, répondit-elle,
Du sarigue c'est la femelle;
Nulle mère pour ses enfants
N'eut jamais plus d'amour, plus de soins vigilants.
La nature a voulu seconder sa tendresse,
Et lui fit près de l'estomac
Une poche profonde, une espèce de sac,
Où ses petits, quand un danger les presse,
Vont mettre à couvert leur faiblesse.
Fais du bruit, tu verras ce qu'ils vont devenir.
L'enfant frappe des mains : la sarigue attentive
Se dresse et d'une voix plaintive
Jette un cri; les petits aussitôt d'accourir,
Et de s'élancer vers la mère,
En cherchant dans son sein leur retraite ordinaire.
La poche s'ouvre, les petits
En un moment y sont blottis,
Et disparaissent tous; la mère avec vitesse
S'enfuit emportant sa richesse.
La Péruvienne alors dit à l'enfant surpris :
Si jamais le sort t'est contraire,
Souviens-toi du sarigue, imite-le, mon fils :
L'asile le plus sûr est le sein d'une mère.

  1. La sarigue, animal des climats chauds et tempérés de l'Amérique, est remarquable par la poche qu'elle a sous le ventre et où elle enferme ses petits.

La Chanson des oiseaux (V. Hugo)


Chanson des oiseaux

Avril ouvre à deux battants
Le printemps;
L'été le suit, et déploie
sur la terre un beau tapis
Fait d'épis,
D'herbe, de fleurs et de joie.


Les pivoines sont en feu;
Le ciel bleu
allume cent fleurs écloses;
Le printemps est pour nos yeux
Tout joyeux
Une fournaise de roses.


Victor Hugo

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Le corbeau et le Renard (Jean de la Fontaine)

LE CORBEAU ET LE RENARD.

Maître corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage:
"Eh bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois."
A ces mots, le corbeau ne se sent pas de joie;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec et laisse tomber sa proie.
Le renard s'en saisit, et dit: "Mon bon monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute."
Le corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

Jean de La Fontaine (1621-1695)

Dans les poches du printemps

Dans les poches du printemps
J'ai mis:
Un rayon de soleil
Une jacinthe en fleur
Des journées rallongées
Le changement d'heure
Les oeufs de Pâques
Premier Avril
Et des petits cailloux
Pour me souvenir du chemin.

LISKA

mercredi 23 décembre 2009

LA RENONCULE ET L'ŒILLET (BÉRANGER)

LA RENONCULE ET L'ŒILLET

La renoncule un jour dans un bouquet
Avec l'œillet se trouva réunie :
Elle eut le lendemain le parfum de l'œillet.
On ne peut que gagner en bonne compagnie.

Pierre-Jean de BÉRANGER

LE PONT MIRABEAU (Guillaume APOLLINAIRE)

Le Pont Mirabeau

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)


Le poème lu par Apollinaire lui-même en décembre 1913 >>>



jeudi 3 décembre 2009

LE PINSON ET LA PIE (Mme de la Férandière)

LE PINSON ET LA PIE

Apprends-moi donc une chanson,
Demandait la bavarde pie
À l'agréable et gai pinson,
Qui chantait au printemps sur l'épine fleurie.

— Allez, vous vous moquez, ma mie ;
À gens de votre espèce, ah ! je gagerais bien
Que jamais on n'apprendra rien !

— Eh quoi ! la raison, je te prie ?

— Mais c'est que, pour s'instruire et savoir bien chanter,
Il faudrait savoir écouter
Et jamais babillard n'écouta de sa vie.

Mme de la FÉRANDIÈRE




LE COMTE DE LA MI-CARÊME (Emile VERHAEREN)

LE COMTE DE LA MI-CARÊME

De sa main gauche, il tient des fouets
Et de sa droite, un lot de jouets
En bois léger, en carton-pierre.
Il en a plein trente paniers,
Il en a plein vingt sacs de toile,
Et l'on prétend qu'en chaque étoile
Il en a plein trois cents greniers.

Ainsi lesté, ainsi chargé,
S'en va d'un pas toujours le même,
Par les chemins des soirs légers,
Le Comte de la Mi-Carême.

Emile VERHAEREN



LA DILIGENCE (Gaudy)

LA DILIGENCE

Clic ! Clac ! Clic ! Holà ! Gare ! Gare !
La foule se rangeait
Et chacun s'écriait :
"Peste ! quel tintamarre !
Quelle poussière ! Ah ! c'est un grand seigneur !...
C'est un prince du sang !... C'est un ambassadeur !"
La voiture s'arrête ; on accourt, on s'avance.
C'était... la diligence
Et... personne dedans.
Du bruit, du vide, amis, voilà, je pense.
Le portrait de beaucoup de gens.

GAUDY

L'INDISCRÉTION (Charles-François PANARD)

L'INDISCRÉTION

Quand vous méditez un projet,
Ne publiez point votre affaire.
Toujours au fond du cœur gardez votre secret ;
On se repent toujours d'un langage indiscret,
Et presque jamais du mystère.
Certain auteur, sur ce sujet,
S'explique de cette manière :
"Le causeur dit tout ce qu'il sait,
L'étourdi ce qu'il ne sait guère ;
Les jeunes ce qu'ils font, les vieux ce qu'ils ont fait,
Et les sots ce qu'ils veulent faire."

Charles-François PANARD (1689 - 1765)

LES BERGERS, OU LE MENTEUR PUNI (Richer)

LES BERGERS, OU LE MENTEUR PUNI

Guillot criait "Au loup !", un jour par passe temps
Un tel cri mit l'alarme aux champs
Tous les bergers du voisinage
coururent au secours. Guillot se moqua d'eux.
Ils s'en retournèrent honteux,
Pestant contre son badinage.
Mais rira bien qui rira le dernier.
Deux jours après, un loup avide de carnage,
Un véritable loup cervier,
Malgré notre berger et son chien, faisait rage
Et se ruait sur le troupeau
"Au loup ! s'écria-t-il, au loup !" Tout le hameau
Rit à son tour. "A d'autres, je vous prie,
répondit-on, l'on ne nous y prend plus."
Guillot le goguenard fit de cris superflus :
On crut que c'était fourberie
Et le loup désola toute la bergerie.

Il est dangereux de mentir
Même en riant, et pour se divertir.

Menteur n'est jamais écouté,
Même en disant la vérité

RICHER (1685 - 1748)

LA CIGALE ET LA FOURMI

LA CIGALE ET LA FOURMI

La cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fût venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'août, foi d'animal,
Intérêt et principal."
La fourmi n'est pas prêteuse;
C'est là son moindre défaut.
"Que faisiez-vous au temps chaud?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez? j'en suis fort aise.
Eh bien! dansez maintenant."

Jean de La Fontaine

LA PETITE FILLE ET SON CHAT (I. Rodier)

LA PETITE FILLE ET SON CHAT

Venez ici, minet ; il faut que je vous gronde ;
Avancez près de moi.
On dit que sans pitié vous griffez tout le monde ;
C'est très joli, ma foi !
D'où venez-vous encore avec cet air sauvage,
Et ce poil hérissé ?
Avez-vous de souris fait un nouveau carnage ?
Arrivez-vous blessé ?
Ou bien, sur mes cahiers répandant l'écritoire,
Auriez-vous en courant
Tracé, dans ses détours, une rivière noire
Sur mon beau papier blanc ?
Voyons, répondez-moi, je suis douce personne,
Dites-moi vos méfaits :
Je ne gronderai pas, minet, je vous pardonne
Ces terribles forfaits !
Eh quoi ! pas un regard ! pas même une caresse !
Vous êtes un sournois.
Moi qui vantais partout vos tours de gentillesse,
Votre joli minois !
Que vois-je près de vous rouler dans la poussière ?
Ciel ! mon oiseau chéri !
Quoi ! vous avez tué d'une dent meurtrière
Mon charmant favori ?
Celui qui m'égayait par son gentil ramage,
Dont vous étiez jaloux,
A péri tristement enlevé de sa cage ;
Ah ! c'en est fait de vous !
Allez, ce trait cruel vous ravit ma tendresse !
Je voulais pardonner ;
Mais mon cœur attristé de votre humeur traîtresse,
dit qu'il faut condamner.
Fuyez, fuyez bien loin, redoutez ma présence ;
Je ne veux plus vous voir ;
Et de ne plus jamais juger sur l'apparence
Je me fais un devoir.

Isabelle RODIER

À MA MÈRE (Maurice CARÊME)

À MA MÈRE

Te remercierai-je jamais assez
De m'avoir mis au monde
Et de m'avoir donné
Tant d'arbres à aimer,
Tant d'oiseaux à cueillir,
Tant d'étoiles à effeuiller,
Tant de mots à faire chanter,
Tant de coeurs à comprendre,
Tant de jeunes filles à entendre,
Tant de mains d'hommes à serrer
Et une âme de petit enfant
Qui ne demande à l'existence
Qu'un peu de brise pour son cerf-volant.

******
A quoi jouais-tu, ma mère,
Lorsque tu avais sept ans ?
Quelle ronde chantais-tu, ma mère,
Quand revenait le mois d'avril ?
Car tu as été une enfant,
Tu as bondi à travers champs,
Tu avais des sabots à fleurs
Et un tablier de couleur,
Tu aimais voler les groseilles
Et importuner les abeilles
Et tu fuyais souvent l'école
Pour flâner le long du ruisseau.
On me l'a dit encor tantôt...
Et malgré tout ce qu'on m'a dit,
Je te vois mal en ce temps-là.
Je m'imagine chaque fois,
Tant je t'ai connue grave et bonne,
Que tu n'as pas été enfant
Et que Dieu te créa maman
Du premier geste de la main
Comme il créa l'épi de blé
Et l'humble étoile du berger.

Maurice CARÊME

LA FÊTE D'UNE MÈRE (Élise MOREAU)

LA FÊTE D'UNE MÈRE


Toi si bonne, toi si parfaite,
Qui nous aime avec tant d'amour,
Maman c'est aujourd'hui ta fête.
Pour tes enfants, quel heureux jour !

En échange de nos offrandes,
De nos chants pour toi composés,
De nos bouquets, de nos guirlandes,
Donne-nous beaucoup de baisers.

Et, pour que tu sois satisfaite,
Nous ferons si bien nos devoirs !
Nous dirons, sans lever la tête,
Notre prière tous les soirs,

Nous ne ferons plus de tapage
Dès que tu nous le défendras,
Et le plus bruyant sera sage
Aussitôt que tu le voudras.

Embrasse-nous donc, mère aimée,
Ah ! presse-nous bien sur ton cœur;
C'est notre place accoutumée,
Dans la joie ou dans la douleur.

Oh ! le cœur d'une bonne mère,
C'est le bien le plus précieux,
Le seul bonheur que Dieu sur terre
Laisse tomber du haut des cieux.


Élise MOREAU

L'HOMME ET LA MARMOTTE (PESSELIER)

L'HOMME ET LA MARMOTTE

La marmotte venait de finir son long somme;
Sommeil de six mois seulement.
« N'as-tu pas honte, lui dit l'homme,
De dormir si profondément ?
— Tu n'en parles que par envie,
Répondit la marmotte, et tu me fais pitié;
J'aimerais mieux dormir durant toute ma vie,
Que d'en perdre au plaisir, comme toi, la moitié. »

Ch.-Étienne PESSELIER.

L'ENFANT ET LE CHAT

L'ENFANT ET LE CHAT.

Tout en se promenant, un bambin déjeunait
De la galette qu'il tenait.
Attiré par l'odeur, un Chat vient, le caresse,
Fait le gros dos, tourne, et vers lui se dresse :
Oh ! le joli minet ! et le marmot charmé
Partage avec celui dont il se croit aimé.
Mais le flatteur à peine obtient ce qu'il désire,
Qu'au loin il se retire.
"Ah ! Ah ! ce n'est pas moi, dit l'enfant consterné,
Que tu suivais ; c'était mon déjeuner."

GUICHARD (1731 - 1811)

LE NID DE FAUVETTE (Berquin)

LE NID DE FAUVETTE.

Je le tiens ce nid de fauvette !
Us sont deux, trois, quatre petits !
Depuis si longtemps
je vous guette;
Pauvres oiseaux, vous voilà pris!

Criez, sifflez, petits rebelles,
Débattez-vous; oh! c'est en vain:
Vous n'avez pas encor vos ailes ;
Comment vous sauver de ma main ?

Mais quoi ! n'entends-je point leur mère
Qui pousse des cris douloureux?
Oui,
je le vois, oui, c'est leur père
Qui vient voltiger autour d'eux.

Ah ! pourrais-je causer leur peine,
Moi qui l'été dans les vallons
Venais m'endormir sous un chêne
Au bruit de leurs douces chansons ?

Helas ! si du sein de ma mère
Un méchant venait me ravir,
Je le sens bien, dans sa misère
Elle n'aurait plus qu'à mourir.

Et je serais assez barbare
Pour vous arracher vos enfants !
Non, non, que rien ne vous sépare;
Non, les voici,
je vous les rends.

Apprenez-leur dans le bocage
A voltiger auprès de vous;
Qu'ils écoutent votre ramage
Pour former des sons aussi doux.

Et moi, dans la saison prochaine,
Je reviendrai dans les vallons
Dormir quelquefois sous un chêne
Au bruit de leurs jeunes chansons.

Par Berquin (1749-1791)

Extrait de : "Le nid de fauvette" , l'Ami des enfans (1794)

Voir aussi : "Le nid de fauvette ou abécédaire ornithologique", 1816

SAINT-DIFFICILE (Ernest LAVISSE)

SAINT DIFFICILE

+"Enfant gâté,
Veux-tu du pâté ?
- Non Maman, il est trop salé.

+ Veux-tu du rôti ?
- Non Maman il est trop cuit.

+ Veux-tu de la salade ?
- Non maman elle est trop fade.

+ Veux-tu du pain ?
- Non Maman il ne vaut rien.

+ Enfant gâté,
Tu ne veux rien manger ;
Enfant gâté tu seras fouetté !"

Ernest LAVISSE

(Les récits de Pierre Laloi)




MON VIEUX MOULINS (Théodore de Banville)

Bien souvent je revois sous mes paupières closes,

La nuit, mon vieux Moulins bâti de briques roses,

Les cours tout embaumés par la fleur du tilleul,

Ce vieux pont de granit bâti par mon aïeul,

Nos fontaines, les champs, les bois, les chères tombes,

Le ciel de mon enfance où volent des colombes,

Les larges tapis d'herbe où l'on m'a promené

Tout petit, la maison riante où je suis né...

LE LAC (Alphonse de Lamartine)


Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Jeter l’ancre un seul jour ?

Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s’asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère
Laissa tomber ces mots :

"Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

"Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

"Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m’échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore
Va dissiper la nuit.

"Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule, et nous passons !"

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,
Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur,
S’envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?

Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.

Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !


Alphonse de LAMARTINE


In Tintin "Le Trésor de Rackham le Rouge",
Hergé/Casterman, page 32, vignette n°2

L'OREILLER D'UNE ENFANT (Marceline DESBORDES-VALMORE)

L'OREILLER D'UNE ENFANT

Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête,
Plein de plume choisie, et blanc, et fait pour moi !
Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,
Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi !

Beaucoup, beaucoup d'enfants, pauvres et nus, sans mère,
Sans maison, n'ont jamais d'oreiller pour dormir ;
Ils ont toujours sommeil, ô destinée amère !
Maman ! douce maman ! cela me fait gémir ...

(Marceline DESBORDES-VALMORE) (1786-1859))

mardi 1 décembre 2009

LITANIE DES ÉCOLIERS (Maurice Carême)

Litanie des Écoliers

Saint Anatole,
Que légers soient les jours d'école !

Saint Amaffait,
Ah! que nos devoirs soient bien faits !

Sainte Cordule,
N'oubliez ni point ni virgule !

Saint Nicodème,
Donnez-nous la clé des problèmes !

Saint Tirelire,
Que grammaire nous fasse rire !

Saint Siméon,
Allongez les récréations !

Saint Espongien,
Effacez tous les mauvais points !

Maurice CARÊME


LA FOURMI (Robert Desnos)

LA FOURMI

Une fourmi de dix-huit mètres,
avec un chapeau sur la tête,
ça n'existe pas, ça n'existe pas.

Une fourmi traînant un char
plein de pingouins et de canards
ça n'existe pas, ça n'existe pas.

Une fourmi parlant français,
parlant latin et javanais
ça n'existe pas, ça n'existe pas.

Eh ! Pourquoi pas ?

Robert DESNOS

ODELETTE (Henri de Régnier)


ODELETTE

Un petit roseau m'a suffi
Pour faire frémir l'herbe haute
Et tout le pré
Et les doux saules
Et le ruisseau qui chante aussi ;
Un petit roseau m'a suffi
A faire chanter la forêt.

Henri de RÉGNIER


LA GRENOUILLE ET LE BOEUF Jean de la Fontaine)

LA GRENOUILLE ET LE BOEUF

Une grenouille vit un boeuf
Qui lui sembla de belle taille ;
Elle qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,
Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant : "Regardez bien, ma soeur :
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
- Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ?
- Vous n'en approchez point. ". La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.

Jean de LA FONTAINE

LES ELFES (Leconte de Lisle)

LES ELFES

Couronnés de thym et de marjolaine,
Les elfes joyeux dansent sur la plaine.

Du sentier des bois aux daims familier,
Sur un noir cheval, sort un chevalier.
Son éperon d'or brille en la nuit brune ;
Et, quand il traverse un rayon de lune,
On voit resplendir, d'un reflet changeant,
Sur sa chevelure son casque d'argent.

Couronnés de thym et de marjolaine,
Les elfes joyeux dansent sur la plaine.

LECONTE DE LISLE
Poèmes Barbare

En chanson >>>



Dessin d'Olivier Rineau

L'ARAIGNEE (Madeleine Ley)

L'ARAIGNEE.

Araignée grise
Araignée d'argent,
Ton échelle exquise
tremble dans le vent.
Toile d'araignée
- émerveillement ! -
Lourde de rosée
Dans le matin blanc.

Ouvrage subtil
Qui frissonne et ploie.
O maison de fil,
Escalier de soie !
Araignée grise,
Araignée d'argent,
Ton échelle exquise
Tremble dans le vent

Madeleine LEY

PREMIER SOURIRE DU PRINTEMPS (Théophile Gautier)

PREMIER SOURIRE DU PRINTEMPS

Tandis qu'à leurs oeuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
prépare en secret le printemps.

Pour les petites pâquerettes,
Sournoisement lorsque tout dort,
Il repasse les collerettes
Et cisèle les boutons d'or.

La nature au lit se repose ;
Lui, descend au jardin désert,
Et lace les boutons de rose
Dans leur corset de velours vert.

Puis, lorsque la besogne est faite,
Et que son règne va finir,
Au seuil d'avril tournant la tête,
Il dit : "Printemps, tu peux venir !"

Théophile GAUTIER (1851)

L'ARAIGNEE ET LE VER A SOIE (Le Bailly)

L'ARAIGNEE ET LE VER A SOIE

L'araignée en ces mots raillait le ver à soie :
"Mon Dieu ! que de lenteur dans tout ce que tu fais !
Vois combien peu de temps j'emploie
A tapisser un mur d'innombrables filets.
- Soit, répondit le ver, mais ta toile est fragile ;
Et puis à quoi sert-elle ? A rien.
Pour moi, mon travail est utile ;
Si je fais peu, je le fais bien."

Antoine-François LE BAILLY

LA NEIGE (Alfred de VIGNY)

LA NEIGE 1

Qu'il est doux, qu'il est doux d'écouter des histoires,
des histoires du temps passé,
Quand la neige est épaisse et charge un sol glacé !
Quand sous le manteau blanc qui vient de le cacher,
L'immobile corbeau sur l'arbre se balance,
Comme la girouette au bout du long clocher !

Alfred de VIGNY



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LA NEIGE 2

Qu'il est doux, qu'il est doux d'écouter des histoires,
des histoires du temps passé,
Quand les branches d'arbres sont noires,
Quand la neige est épaisse et charge un sol glacé !
Quand seul, dans un ciel pâle, un peuplier s'élance,
Quand sous le manteau blanc qui vient de le cacher,
L'immobile corbeau sur l'arbre se balance,
Comme la girouette au bout du long clocher !

Alfred de VIGNY

LA GUENON, LE SINGE ET LA NOIX (Florian)

LA GUENON, LE SINGE ET LA NOIX

Une jeune guenon cueillit
Une noix dans sa coque verte ;
Elle y porte la dent, fait la grimace..."Ah ! certes,
Dit-elle, ma mère me mentit
Quand elle m'assura que les noix étaient bonnes.
Puis croyez aux discours de ces vieilles personnes
Qui trompe la jeunesse ! Au diable soit le fruit ! "
Elle jette la noix. Un singe la ramasse ,
Vite entre deux cailloux la casse ,
l'épluche, la mange et lui dit :
"Votre mère eut raison , ma mie,
Les noix ont fort bon goût ,mais il faut les ouvrir.
Souvenez-vous que dans la vie,
sans un peu de travail on n'a point de plaisir."

LA CIGALE ET LA FOURMI (Jean de la Fontaine)

LA CIGALE ET LA FOURMI

La cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelques grains pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'août, foi d'animal,
Intérêt et principal."
La fourmi n'est pas prêteuse :
C'est là son moindre défaut.
"Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez ? J'en suis fort aise :
Eh bien dansez maintenant."

JEAN DE LA FONTAINE

L'ÉCUREUIL ET LA FEUILLE (Maurice CARÊME)

L’écureuil et la feuille
Un écureuil, sur la bruyère,
Se lave avec de la lumière.
Une feuille morte descend,
Doucement portée par le vent.
Et le vent balance la feuille
Juste au-dessus de l’écureuil ;
Le vent attend, pour la poser
Légèrement sur la bruyère,
Que l’écureuil soit remonté
Sur le chêne de la clairière
Où il aime à se balancer
Comme une feuille de lumière.
Maurice CARÊME (1899-1978)



L'AUTOMNE (Guillaume Apollinaire)

Automne malade et adoré
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé dans les vergers
Pauvre automne ! Meures en blancheur
Et en richesse de neige et fruits mûrs.
Aux lisières lointaines, les cerfs ont bramé
Et que j'aime ô saison, que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant, sans qu'on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles qu'on foule,
Un train qui roule
La vie s'écoule...
Guillaume Apollinaire

CHANSON D'AUTOMNE (Verlaine)

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon cœur
D'une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure

Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Paul VERLAINE, Poèmes saturniens (1866)
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Explication de texte >>>
Dans ce poème Verlaine tente d'exorciser par la musique l'inquiétude de son âme. Mais dans ce poème, la tristesse est plus précise : nostalgie du passé, inquiétude de se sentir emporté, sans pouvoir réagir par "un vent mauvais". Le rythme traduit ce sentiment complexe fait d'angoisse et d'abandon, par le jeu délicat des vers de trois et quatre syllabes. Ces mètres courts donnent à la rime qui revient à intervalles réguliers, des résonances particulièrement suggestives.

Entendre la poésie lue par JC Pascal >>>

Il existe deux versions qui seraient exploitables : une de Trenet que j'aime bien...et une de Versini (plus scolaire, peut-être...à voir). Trouvées sur Deezer.com >>>>

version chantée par Versini, version chantée par Léo Ferré


JOUER SUR LES SONS
in magazine "Virgule", en page 35 du n° 68 (novembre 2009)
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